Telle
une ombre, je suis toujours là quand les choses se passent. En
surplomb ou embusqué derrière un rocher, je les suis, je les vois.
Et parfois, j’apparais. Tel que je vous ré-apparais à vous aussi.
Cela n'est qu'une question de temps. Cependant, quand comme moi, vous
avez déjà beaucoup vécu et qu'il vous reste au moins autant de
temps à vivre devant vous; le Temps devient une magie comme une
autre, avec ses astuces, son lot de connaissances et sa maîtrise.
L'ambiance
réconfortante de l'auberge me consolait un peu de la moiteur et de
l'obscurité de la caverne. Je me détendais, buvant une large chope
de bière, fondu parmi les tables voisines très très très animées.
Je regardais discrètement mais dépité l'aubergiste qui encore une
fois était entrain de recevoir le groupe que j'avais suivi toute la
journée. Ils étaient -visuellement- dans un état moins
catastrophique que lors de le première arrivée. En ouvrant cette
analyse à mon nez, même en l'ayant dans ma bière, je distinguais
aisément l'odeur du sang dont ils empestaient. Pour une fois, ils
avaient tous l'air de s'en être bien tirés... si ce n'est leurs
tenues... encore une fois.
Détail
qui, m'avait plutôt surpris par la même.
Je
voyais la grande fille aux cheveux roses et à la veste noir,
s'incliner devant le tenancier, notant les mouvements de sa bouche,
elle devait sûrement lui bafouiller quelque chose. Peut-être
cherchait-elle actuellement une excuse, comme pour ne pas expliquer
leurs états.
La
réaction du vieil homme fut étrange, il lui tendit la main,
désignant sans expression distincte son vêtement. Elle lui donna
l'étonnante veste dont elle venait de se dévêtir. Il se retira
simplement avec et dit quelque chose d'incompréhensible d'ici.
Ils
montèrent à l'étage, et constatant le retour de l'aubergiste, je
lui fis signe pour qu'on m'amène mon repas. Quelques minutes
passèrent, je sirotais lentement ma chope.
Les
dernières tables occupées se vidaient, les aventuriers présents
quittaient l'auberge ou rejoignaient leurs chambres. Nos trois
sanglants redescendaient, dans des tenues propres, les bras encombrés
de leurs tenues salies, les déposant au comptoir de l'aubergiste.
Mon repas, arrivait aussi. Je commençais à manger, prêtant
attention au petit groupe.
Ils
passaient non loin de moi, ne puant plus, s'installant sur une table
voisine et commandant eux aussi de quoi se sustenter. Ils étaient
silencieux, puis leur repas fut servi, et ils se mirent à manger
comme des sangliers.
Je
profitais du fait, qu'ils aient littéralement la tête dans leurs
assiettes pour les observer davantage. Leurs manières laissaient
clairement à désirer. Je buvais une gorgée de bière et replaçais
discrètement mon regard sur eux. Quelle ne fut pas ma surprise de
croiser celui de la deuxième fille. Elle me scrutait les yeux grands
ouverts, la bouche trop pleine, elle mastiquait, déglutissait, puis
lâchait mon regard et se remettait un gros morceau de viande dans la
bouche. Je me remettais studieusement à manger, pour ne pas me faire
pincer. Je surveillais l'aubergiste qui quittait son comptoir et
montait à l'étage. Après quelques instants, je glissais un discret
coup d’œil sur eux, ma vue s'arrêtait à la fille, s'étant levée
et déplacée tout près de moi.
"
Pour la.. gna...discrétion.. gnar, c'est pas mal... gnar haaaaaaa.
Pour la discrétion, c'est pas mal ! Mais pour l'odeur, tu n'as pas
été très discret ! Me lâchait la fille dont j'avais
croisé le regard au préalable, en terminant sa bouchée. J'ai
senti ton odeur dans un coup de vent tout à l'heure. Mais je ne
comprends pas une chose. Ma gorge se serrait. Comment
tu es arrivé avant nous ici ? Oups, et si elle avait compris
? Ton odeur suivait le vent venant de derrière nous à ce
moment-là, et nous revenions vers ici. Tu as un truc. Je
posais lentement mes couverts et glissais les mains sous la table,
dans le cas où je doive utiliser un sort. Elle avait l'air de
s'interroger. Tu dois courir super vite !! Je
me détendais.
-Oui
c'est ça ! Je cours extrêêêêêêmement vite. Lui
soufflais-je en remettant mes mains sur la table.
-Viens
me montrer ça alors, on court de l'auberge jusqu'au sentier ! Le
premier arrivé, aura gagné. Me défiait-elle, les yeux
enjoués.
-Et
bien, c'est que...
-Donc
en fait, tu ne cours pas si vite que ça. Me coupait-elle.
Il
fallait rapidement que je trouve quelque chose pour m'en sortir.
-Je ne
cours pas si vite, en effet, c'est que j...
-Vous
embêterait-elle ? Une autre voix s'ajoutait à la
conversation, celle de la guerrière qui revêtait le chaperon
noir. La jeune femme se tenait à côté de la première.
Je
me permettais de la regarder de plus près... Elle n'avait absolument
pas l'allure ni même l'attitude d'une guerrière finalement. Ses
bras n'étaient pas marqués de cicatrices, ni même très musclés.
Une aura froide mais calme émanait d'elle. Décontractée, elle
regardait l'autre fille qui venait de détourner son regard de
dédain.
-Non
non. Répondais-je en quittant mes songes. Elle ne
m'importunait pas. Je faisais profil bas.
-Je
suis toujours là vous savez. Puis ce qui compte, c'est que déjà à
table comme dans la journée donc, tu nous espionnais. Sa
voix taquine avait laissé place à une sensation plus rugueuse.
-Comment
ça, Gnas ? Venait de demander une voix masculine émanant du
troisième membre de leur comité je suppose. Qu'est ce qui
te fait dire ça ? Disait-il d'un ton calme.
-J'ai
senti son odeur dans notre dos quand nous quittions la caverne, il
est arrivé avant nous ici, et nous regardait quand nous
mangions. Soufflait-elle, fière de son nez. Une
drôle d'odeur d'ailleurs, de plus près, c'est affreux.
-Si
son nez le dit, nous pouvons lui faire confiance. Qu'as-tu à dire à
propos de ça ? S'exclamait la troisième voix."
J'allais remettre mes mains sous la table promptement pour tenter un sortilège, quand une autre paire de mains me saisit. Ce n'était plus le froid calme que je contemplais désormais, j'étais nez-à-nez avec un blizzard hurlant. Ses grands yeux ressemblaient à des pointes givrées, qu'elle pointait droit dans dans les miens. Je stressais quant à mon sort. Je ne voyais pas trop comment m'en sortir. Alerter toute l'auberge, dans ma position, non.
"Oh,
arrête de rêver, il vaut mieux que tu nous expliques, plutôt que
nous nous battions ici. Me
glissait sèchement celle qui me tenait en échec. Tu
peux, peut-être répondre de tes actes. La suite c'est nous qui
jugerons. Sa
voix se durcissait, et était empreinte de colère.
-Faut
pas rigoler avec Evi'. Evi ? Si notre séciru..
sécuti... Si nous sommes en danger, on se défend ! Gloussait
"Gnas". Mais un conseil, si tu dois être notre
ennemi, tue-nous rapidement. Rigolait-elle."
L'ambiance
avait réellement tourné au vinaigre, l'attitude et la façon d'être
de ces deux filles m'avaient clairement déconcerté. Comment
pouvait-on passer aussi vite du calme à l'agressivité ? Je les
observais certes, mais de là, les espionner...
"Je
ne vous veux aucun mal, je suis juste curieux. Disais-je
en essayant de calmer l'atmosphère. Je
suis effectivement passé devant la caverne, mais l'odeur de charnier
ardent était insoutenable. Certains des encapuchonnés qui avaient
survécu, rampaient au sol, m'ont imploré de les aider. J'en ai vu
sans bras, sans jambe, avec que l'un ou que l'autre. J'y ai juste
fait dos. Dîtes-moi que ce n'est pas vous qui...
-C'est
nous qui avons fait ça. Me coupait sèchement "Evi".
"
Eux ?
Eux trois ? Même si leur état vestimentaire était ignoble, elle,
n'a pas une cicatrice apparente, et n'est en aucun cas blessée.
Une telle force ? De la magie ? Je vis depuis longtemps, et des
exploits j'en ai vu, mais là..
"Donc,
qu'est ce que c'est ton secret ? Me crachait-elle."
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