Pourquoi
est-ce que tout tangue ? Pourquoi il n'y a rien ici ? Un néant total
m'entourait. Seule ma douleur me donnait encore l'impression d'être
en vie, je ne comprenais pas. Où étais-je ? Que se passait-il ?
J'étais entrain de m'enfoncer dans une forêt, m'enfuyant tout en
emportant les deux autres, et là, plus rien. Je ne voyais pas, c'est
pour ça qu'il n'y a rien ici.
Mes
yeux étaient fermement clos, mes paupières trop lourdes pour que
j'ai la force de les soulever, le vide que je percevais était strié
par de grands éclairs parfois blancs, parfois écarlates. Je
commençais à reprendre pied dans mon corps, et je parvenais à
ouvrir les yeux. Je me trouvais dans une pièce, étrangement
commune, désagréablement familière. Sans que je n'arrive à bien
discerner ce qui m'entourait, j'avais juste le sentiment d'avoir déjà
été quelque part dont émanait la même atmosphère. J'étais
allongée sur une table de pierre, lentement je retrouvais mes
esprits, mais le lieu dans lequel je me trouvais était encore
occulté, je n'apercevais toujours que les quelques pas autour de
moi. La douleur ne me quittait pas, sans que j'arrive à même
pouvoir mouvoir un seul de mes membres, sans même pouvoir déplacer
un seul de mes doigts, je perdais anormalement mon sang, j'étais
entrain de me vider. J'étais impuissante, mes membres étaient
paralysés, j'allais goutte après goutte, mourir ici, incapable de
bouger.
Cela
ne servait à rien d'appeler à l'aide, j'étais seule. Après tout,
n'était-ce pas ce que je désirais par-dessus tout avant de me
retrouver ici ? Ne me mélanger qu'à mes adversaires, les tuer, me
rouler dans leur sang, faire corps avec toute cette hémoglobine. Je
n'avais jamais eu besoin de qui que ce soit. Pourquoi cela devait-il
changer ? J'ai erré suffisamment longtemps dans un désert pour
avoir le temps d'y grandir, et sans personne.
Et
pourtant, pour la première fois de ma vie, la solitude, venait de
déclencher une abondante coulée de larmes. Pourquoi étais-je
entrain de pleurer ?
"Tu pleures, car tu le mérites, et tes souffrances aussi tu les mérites, Monstre." Une voix se faisait entendre, elle m’interpellait, car je l'avais déjà entendue, mais où et quand ? Toute aussi horrible que détestable, cette voix masculine, je la connaissais et la détestais avant maintenant, j'en étais sûre. Marquée par son intonation emplie de violence et de cruauté, il devait me haïr pour avoir un ton pareil envers moi. Mais qui était-il ? Mes bras vibraient et me rappelaient les coups que j'avais reçu de cet homme, des plaies s'ouvraient sous mes yeux, mon corps était traversé et réveillé par des souffrances atroces, ma peau se lacérait puis se régénerait, pour à nouveau se balafrer.
Les propos me visant se rapprochaient de moi, et enfin apparut une silhouette, qui, peu à peu se dessinait avec précision. Une toge mauve et tachée de sang, un visage aigri et plein de rancœur.
"
Depuis combien de temps est-ce que tu es torturée ? Comment
pouvais-tu t'être retrouvée ici ? C'est ce que tu te demandes, pas
vrai ? Oh tout le monde te croit morte, ça c'est sûr. Après tant
de jours de lutte. La vie s'arrête pour tout le monde ma
Reine. Sifflait-il en me dévisageant.
- Quoi
? Les mots semblaient ne pas être sortis de ma bouche, en
plus je ne comprenais rien à ce qu'il me disait, ses paroles étaient
troubles, j'avais terriblement mal, comme si ma poitrine s'ouvrait de
l'intérieur.
-Tu
mérites plus que quiconque d'être malheureuse, bouchère, tu
mérites de souffrir plus que n'importe qui, toi qui a tué la
Lumière ! Mais tu ne mérites pas de mourir, car cela serait bien
trop simple pour toi. Endure la frustration que tu nous as infligé
en tuant notre Reine ! Cela me donne même envie de continuer à te
faire ressentir la même souffrance que la mienne, là tout de suite
!"
Il s'approchait de moi, de mes blessures déjà si douloureuses. L'air vibrait, mes oreilles bourdonnaient. Pourquoi était-il ici ? Suis-je condamnée à errer avec mes peines sans qu'elles ne cessent ? Puis, quelles peines ? Comment pouvais-je être ici encore une fois ? La Lumière ? La Reine ? De quoi cet homme me parlait-il à la fin ?
Je
voulais rouler hors du banc de pierre sur lequel j'étais allongée,
je voulais quitter mon corps dont je me sentais prisonnière, mais ce
dernier était amorphe alors que mon esprit se débattait autant que
celui d'un animal acculé, je désirais plus que tout me redresser et
lutter pour ma survie à présent. Je voyais ses mains se rapprocher
de moi, et enfin un son s'échappait de ma bouche et rompait mon
silence forcé. Un hurlement de douleur et de rage, provoqué par ses
doigts, qu'il enfonçait dans ma chair meurtrie, la maltraitant, la
rongeant, je ne pouvais pas même me débattre, et des larmes
brûlantes ruisselaient sur mon visage, des larmes de haine. Je
voulais partir d'ici, je voulais fuir à jamais cet endroit. Je
fermais les yeux.
"Ouvre les yeux Gnas, ne fuis pas la douleur, tu n'y échapperas pas, toujours, elle sera là, touj..." Tout s'arrêtait.
"Ouvre
les yeux Gnas, je t'en supplie, ne meurs pas.."
Il s'agissait d'une autre voix.. Cette fois-ci douce, appartenant à une femme, dissipant lentement le froid qui m'entourait. Je sentais une étreinte, un contact chaud, une aura puissante, deux bras m'enlaçaient.
"Ouvre
les yeux Gnas, tu ne peux plus m'abandonner maintenant."
Mon
visage était balayé par une sensation légère, je sentais des
gouttes humecter ma peau. Ma tête était soulevée lentement, une
main la soutenait, une autre me serrait la taille, des gouttes
toujours plus abondantes venaient s'écraser sur mes joues. Cette
voix, je la connaissais, c'était celle d'Evialg. Sans un bruit,
j'ouvrais les yeux, espérant ne pas me réveiller à nouveau dans ce
cauchemar. Je redécouvrais la verdure des arbres; et cette chevelure
mauve, c'était bien la sienne. Elle pleurait, elle me pleurait. Ses
mains me réchauffaient, se contractaient un peu trop fort, ma
douleur revenait, je laissais un souffle s'échapper.
Sa tête se souleva, et ses yeux blancs noyés par le chagrin se plantèrent dans les miens. Elle avait le visage couvert de sang, son visage esquissait un léger sourire. L'embarras m'envahissait, je détournais un instant mon regard du sien, constant que nous étions dans une mare, une mare de sang. La terre et les racines en étaient imbibées, sa tunique était écarlate, complètement détrempée.
"Gnas, tu es en vie... J'ai eu... J'ai eu peur de te perdre."
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