vendredi 17 octobre 2014

Chapitre XIV : Au fond du trou, Partie 2



Le problème avec les recrues surexcitées, c'est leur grande incapacité à réagir à une action imprévue.  Dans leurs activités quotidiennes au repaire, ils vivent normalement, et c'est bien là où je me rends compte que leurs méfaits ne sont que des manifestations de leurs maladies d'âme. Ils n'ont rien de réels bandits. Ce sont juste des gens dont la folie se matérialise par la délinquance.  

 Quelle plaie. Depuis cet énorme bruit, tout le monde s'est agité et personne n'est venu me rendre compte de quoi que ce soit. À croire que personne n'en a rien à cirer de l'autorité. Une recrue faisait irruption dans mon office et s'inclinait face à moi, tremblant comme une feuille. 

"Chef, nous sommes attaqués. Et ça craint, Chef. Hurlait-il en se remettant droit. 
-Vous avez mis tout ce temps à venir m'en tenir rigueur ?! 
-Chef, parfois des accidents domestiques liés à des explosifs se produisent, Chef !
-Et ce danger a pu être estimé en nombre ? Nos pertes aussi peut-être ? Grognais-je en écrasant mon regard sur la recrue. 
-Chef, un intrus, Chef, mais nos pertes sont considérables, Chef. Je dirais même catastrophiques. Chef. 
-Quoi ?! Je frappais mon bureau. Je me levais de mon fauteuil et fronçais les sourcils. Vous êtes entrain de me dire que quelques unités contre un seul intrus n'ont rien pu faire !?
-Chef, nous n'avons aucune nouvelle de dix de nos escouades, Chef. Rampait-il. 
-Comment ?! Soixante unités, un seul intrus. Il est mort j'espère ! Et cette histoire d'explosifs, qu'est ce que c'est que ça ? 
-Chef, quand j'ai entendu le cri d'alerte pour l'intrus, une explosion a eu lieu, et dans mon absolue lâcheté j'ai couru au plus vite vers ici. Chef. Les flammes m'auraient aussi consumé, Chef.  
-Des flammes ? Je ne comprends pas ! De quoi parlez vous ?! J'enjambais mon bureau et m'avançais d'un pas lourd en sa direction, le faisant trembler davantage. 
-Chef, je dirais que tout le premier étage a été inondé par les flammes. Chef. Que tout le monde est mort, Chef. 
-IMPOSSIBLE. J'hurlais désormais, bousculais le soldat prosterné et sortais de la tente-office pour me faire entendre dans cette caverne. QUE L'ON ME CONSTITUE UNE ESCORTE DE SEPT UNITÉS D'ÉLITE ET QUE L'ON PRÉPARE DES COHORTES ORGANISÉES POUR DÉFENDRE NOTRE POSITION !" 

 Tout le petit monde qui était à portée de mon hurlement, venait d'emboîter le pas d'une manière plus synchronisée. La crainte permet toujours de calmer ces faibles. Je me dirigeais à présent dans ma tente personnelle. Je récupérais mes tromblons ainsi que ma sacoche de boules de plomb et mes flasques de poudre. J'étais prête à en découdre.  Aussitôt équipée je ressortais et découvrais sept recrues face à moi. Nous nous mettions en marche vers l'étage supérieur du repaire. 

 Cette planque sur deux niveaux nous permettait au moins de nous réorganiser. Sa longueur, et son étroitesse ne permettaient cependant pas la facile circulation des deux cent âmes ici présentes. Cependant, nos drapés noirs nous donnaient  l'avantage de jouer de l'obscurité ambiante du lieu. Peu importe qui avait fait ça, j'étais confiante quant à notre réussite. Les escouades restantes allaient pouvoir préparer de belles embus... 

Un cri émanant de nos rangs nous parvint : "LUMIÈRE À L'HORIZON"
Puis une vague de bruits sourds ou de hurlements nous atteignirent. En fait, je cédai moi-même un peu à la panique. Ne comprenant rien à la situation. C'est à ce moment-là qu'elle apparut face à nous. Je dépassai notre formation en pointe, pour avoir un champs de vision dégagé. 


"Je t'ai retrouvée." Résonna une voix de femme, dans la grotte. 
 À cause de l'obscurité de la caverne, je distinguais mal la silhouette exacte de la personne.  Seule la lame de son arme reflétait le pâle éclat rouge des faibles torches. Je dégainais mes deux tromblons. 

Sans plus attendre, je décochais un tir dans sa direction. Cependant je ne constatais en réaction qu'un éclair argenté suivi de quelques étincelles, elle venait de trancher la boule de plomb ? Imposs.. 

 Elle fonça droit sur moi, mais me sautait par-dessus au dernier instant, je tentais de tirer dans la trajectoire de son acrobatie, mais la ratais. Elle avait bondi bien trop vite et son vêtement sombre couvrait l'amplitude de ses mouvements. J’exécutais une roulade en avant pour ne pas rester à portée de son épée. Je me relevais et m'accroupissais derrière une aspérité de la grotte afin de recharger. Je scrutais en sa direction. Elle ne s'était pas retournée, elle avait foncé sur ma garde. 

 Et cela fut si bref.. Sa lame alla se planter dans le crâne de deux de mes hommes simultanément, elle les acheva d'un mouvement de poignet, laissant les têtes mâchées par l'arme choir sur le sol. Elle fonça sur le suivant, le saisit, tourna sur elle-même et le jeta en direction de deux autres. Les trois pris au dépourvu n'eurent aucune chance. D'un geste, une large entaille en oblique apparut, laissant leurs corps s'effondrer dans une mare de sang. Sa frénésie ne cessa pas, elle fit face à l'avant dernier garde ayant eut le temps de sortir son cimeterre, elle le désarma en lui tranchant le bras puis l'éventra. Laissant l'instrument de mort en lui, elle se précipita sur le dernier membre de mon escorte, le percuta simplement avec une violence inouïe, le renversa et le roua d'un déluge de coups de poing et de pieds. 

 En un instant, ma garde fut anéantie, et alors que je n'avais pas eu même le temps de mettre la poudre à canon dans mon arme, ni même de réagir, une incroyable pression sur ma gorge était entrain de m'étrangler, de me soulever du sol.  J'essayais de me débattre, mais cette poigne demeurait trop forte. J'apercevais son visage, ses yeux plein de rage, puis sa chevelure mauve. C'était la gamine que nous avions ligotée l'autre jour... 

 "Impo...ssible. Avais-je du mal à prononcer.
-Rien n'est impossible. La preuve en est faite."
Elle me projetait au mur et sans me lâcher m’assénait un coup de crâne.  Ma tête fut prise en étau entre la sienne et le mur. Je tombais au sol, et fondais en larme, convulsant de douleur. J'essayais de respirer, crachais une gorgée de sang. Tout était confus, qu'est ce qui se passait ? Un violent impact de genou m'extirpait de mes songes. Je n'entendais presque plus rien, si ce n'était le battement apeuré de mon cœur. Ma tête était maintenant comme parasitée d'un sifflement horrible, elle me scrutait tandis que je rampais à ses pieds. Mon regard rivé au niveau de ses jambes me laissait entrevoir le détail de son habit. En doré était cousu "Irasandre".

"-Ce... n'est pas possible... Tu ne peux pas êt... Pour... pourquoi faire ça ?" Ma voix était trop faible.

 Elle s'éloignait de moi, récupérait son épée dans le corps inerte de mon soldat. Elle revenait vers moi.

« Pas de pitié, pour les rats de ton espèce. » Crachait-elle.
Une autre voix me parvenait.
"Evi', att..." 
Son bras se levait. Et retombait.

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