En
quelques heures de marche, nous avions finalement atteint, guidés
par Evialg, les sombres et imposants remparts de Teysandrul. Durant
notre avancée, la nue s'était tâchée d'épais nuages obscurs et
mauves ; et quelque chose de malsain s'en dégageait, de ce ciel
à la couleur bien anormale. Comme si la lumière magenta au-dessus
de nos têtes provenait d'une magie occulte, je ne m'imaginais pas
vivre un cycle sous cette nappe ténébreuse. Evialg nous avait fait
éviter les routes, jonchées de soldats sur le qui-vive, très
animées par le défilé permanent de patrouilles, nous nous
retrouvions face à une large brèche qui brisait en deux les
murailles. Nous nous engouffrions par le passage, et arrivions dans
une ruelle peu illuminée et vide de toute âme, qui semblait
desservir une avenue bien plus large, cette dernière grouillant
d'habitants. Les filles avaient pour plan de voler des uniformes à
des gardes. Gnas passait devant et nous demandait d'attendre
embusqués. Elle revenait rapidement escortée par deux hommes vêtus
de tenues noires et écarlates, les mêmes que celles que revêtaient
les troupes que nous avions affronté en quittant la forêt. A peine
les deux avaient-ils fait un pas dans la pénombre, que mes camarades
les assommaient, les dépouillant rapidement de leurs armures et de
leurs armes, s'en équipant tout aussi promptement. Je les regardais
curieux de savoir quelle était la suite du programme, sans même se
concerter, elles me désignaient comme étant leur prisonnier ;
je me doutais un peu de ça, après tout, aucun des accoutrements
n'aurait été à ma taille. De lourdes menottes en fer qui pendaient
aux ceintures dérobées, se retrouvaient autour de mes poignets, je
tirais une mine de six pieds de long : c'était la première
fois que je retrouvais contraint de la sorte, cependant, leur plan me
semblait sensé... Pour une fois.
Nous
rejoignions sereinement l'artère pleine de vie, Gnas et Evi'
marchant devant moi, nous avancions de seulement quelques pas,
jusqu'à ce que Gnas s'arrête subitement.
« Qu'est-ce-qui
se passe ? Demandait
Evi'.
-Je
connais ce coin. Elle
regardait à droite et à gauche.
Normalement, les murs sont blancs, mais je crois que c'est à cause
du ciel que ce détail est différent.
-Tu
connais ? Mais tu es déjà venue ici ? Continuais-je.
Je croyais que seule Evialg avait déjà foulé ces dalles.
-J'en
ai l'impression, ce sont comme des souvenirs un peu flous. Si nous
avançons jusqu'au prochain croisement, je suis certaine que la rue
suivante sera remplie de tavernes, et que le pavage nous amènera
vers un centre de commandement militaire.
Soufflait-elle.
On essaye ?
-Soit
nous essayons cela, soit nous allons directement à la tour centrale.
-Suivons
les indications de Gnas, peut-être découvrirons-nous autre chose.
-Alors,
allons-y. Gnas donnait le rythme, nous suivions ses pas et finalement
débouchions sur une allée bruyante, bardée de bars et auberges en
tous genres. Bon, alors si je me souvenais de ça, je me rappelle
aussi que quelques pâtés de maisons et rues après la bâtisse
militaire, il y a un entrepôt de la milice.
-Woh...
Ce ne sont pas que des réminiscences floues pour le coup. Comment tu
peux avoir une mémoire si précise ? L'interrogeais-je.
-Parce
que c'est moi qui l'ais bâtie cette ville. Elle
finissait sa phrase et relançait la marche, tandis qu'avec Evialg
nous nous lancions un regard plein de surprise, puis emboîtions son
pas. »
Après
avoir croisé plusieurs patrouilles, dont nous n'attirions même pas
l'attention, après avoir tourné à droite puis à gauche, après
avoir eu l'impression que nous étions entrain de nous perdre, tant
ces rues et avenues se ressemblaient toutes les unes plus que les
autres, nous atteignions finalement le lieu décrit par Gnas.
L'immense local de stockage était accolé à une large place ronde,
en son centre une fontaine luisait de l'éclat mauve du ciel, des
lampadaires illuminaient de faisceaux pourpres les habitations
attenantes à ladite place, le pavage concentrique était bien plus
régulier et lisse que celui que nous foulions depuis notre arrivée
en ville. Pour la première fois depuis que nous avions pénétré
dans la cité, j'étais émerveillé par l'organisation des blocs
urbains qui nous entouraient. Gnas se faufilait rapidement vers les
portes gigantesques, qui bien entendu étaient gardées, elle nous
faisait signe de la rejoindre. Evialg avançait et je la suivais,
jouant au mieux mon rôle de prisonnier, baissant la tête et
traînant des pieds.
« Cet homme a dérobé un ouvrage qui était stocké ici. Elle me désignait du regard. Nous devons l'y escorter afin qu'il le remette là où il l'a trouvé.
-Avec
sa taille, pas étonnant qu'on ne l'ait pas vu chaparder. Riait
grassement le garde à qui Gnas s'était adressée. Allez-y,
mais ne traînez pas. Terminait-il,
en soulevant à l'aide de l'autre homme en poste, la lourde barre en
bois qui bloquait la porte. Et
toi le nabot, garde-toi bien de recommencer, sinon tu auras droit à
pire que les geôles.
-Oui, monsieur. Me contentais-je de dire, tout en baissant davantage la tête.
-Oui, monsieur. Me contentais-je de dire, tout en baissant davantage la tête.
-Quand
vous aurez terminé, frappé à la porte, on vous ouvrira.
-Compris.
Acquiesçait
Gnas tout en franchissant la porte.
-Et
toi, la mignonne ? Le
soldat parlait désormais à Evi'.
Tu voudras aller boire une chope après ton service ?
-Même
pas en rêve. Le
coupait-elle sèchement, tout en me poussant pour que j'avance,
suivant ainsi Gnas à l'intérieur. »
L'entrée
se refermait avec fracas derrière nous, tandis que devant, un
dépotoir géant s'offrait
à
notre vue. Des armes, des vivres, des tenues, des babioles, il y
avait absolument de tout qui traînait au sol. Sans aucun rangement,
tout avait été jeté n'importe comment, dessinant des monticules
d'objet en tous genres, dans tous les sens. Cette première pièce
était éclairée par des braseros crépitants, répartis sur tous
les murs, une encavure dans le fond semblait donner accès à un
autre espace. Gnas s'y engouffrait, sans un mot, nous la précédions.
Cette fois-ci, c'étaient des étagères remplies de livres qui
remplissaient le local. Il y en avait à perte de vue. J'étais
ébahi, d'un simple coup d’œil, la tranche de certains grimoires
m'interpellaient immédiatement. Alors que nous venions à peine de
mettre un pied dans ce labyrinthe de culture. Je n'en revenais pas.
« La
bibliothèque d'Ilyohelm était à l'époque, la plus garnie de tout
Mithreïlid, plusieurs siècles d'histoire sont accumulés ici. Des
gens venaient de toute part pour étudier ici. Cependant... J'étais
sûre que ces idiots en feraient un espace de stockage. Quand je
pense que plus personne n'a accès à ces ouvrages, quel gâchis.
-Mais
tous ces livres... Commençais-je.
-C'est
moi qui les ai tous ramenés et conservés ici. Il y a plus de cinq
siècles. Ce sont les fruits de tous mes voyages. Me
coupait Gnas.
-Non
mais, tu étais vraiment sérieuse quand tu disais que c'était ta
ville ? L'interrogeait
Evi'.
-Bien
sûr, et vous n'êtes pas au bout de vos surprises, je pense. Il y a
une autre pièce dissimulée au fond. Je suis certaine que nous
allons trouver des pépites.
-Des
pépites d'or ? Demandais-je
naïf.
-Mais
non... C'était au sens figuré. Allez suivez-moi. »
Nous
poursuivions donc notre cheminement à travers l'immense bibliothèque
jusqu'à arriver nez-à-nez avec une étagère plus haute et plus
imposante que les autres. Gnas demanda à Evialg un coup de main et
toutes deux déplacèrent l'imposant présentoir, entraînant la
chute d'un paquet de bouquins. Derrière le rayon, prenait place une
épaisse porte, bien plus solide à en juger par son armature en
métal que celle qui bloquait l'entrée au bâtiment. D'un coup
rapide, Gnas en faisait sauter sa serrure, le choc provoquait
l'ouverture du robuste portail. Comme elle l'avait prédit juste
avant, Evialg et moi croulions sous la surprise. En premier plan, à
quelques mètres devant nous, une statue trônait... Une statue de
Gnas ! Même les tableaux qui étaient accrochés aux murs de
l'antichambre secrète... Que des portraits de Gnas ! J'étais
époustouflé, tandis qu'Evi' prenait la peine, d'une pression de ses
doigts, de faire sauter les menottes. Je m'empressais de courir dans
cette pièce remplie de trésors, bustes sculptés, peintures,
tableaux, effigies, ouvrages, dont le sujet de tous ces derniers
était identique : Gnas. Ou plutôt, Teïnelyore, nom qui ne
m'était pas inconnu, car Noctalya m'en avait parlé lors de son
énumération des « Dieux » de Mithreïlid. Mais aucun
doute possible, c'était elle, notre Gnas, en pierre et en toile.
Tous ses titres étaient mis en avant : Teïnelyore Déesse de
l'Amour, Teïnelyore Fondatrice d'Ilyohelm, Teïnelyore Reine
d'Ilyohelm et des Royaumes du Sud, Teïnelyore la Sainte, Teïnelyore
sauveuse des Exsangues, Teïnelyore protectrice du peuple... Et j'en
passe ! Dans un nouveau dressoir qui me parvenait aux yeux,
multiple tenues d'apparat soigneusement pliées, parchemins et livres
y étaient rangés. Un peu plus loin, une rangée de pupitres
siégeait. J'y découvrais un plan daté de la cité, signé par les
architectes d'une part et d'autre part de la main de la Reine, encore
une fois, Teïnelyore, ainsi que la ratification d'Hul, Déesse et
fondatrice de mon peuple. J'étais sous le choc et passais au
présentoir suivant.
Une
lettre adressée aux différents peuples et royaumes que devaient
compter Mithreïlid. La typologie de l'écriture me donnait envie de
la lire à haute voix.
« Chers
vous tous, Peuples et Rois, Dieux et Habitants de Mithreïlid.
Je
prends la peine d'écrire cette missive, et de la rédiger à
l'attention de tous ; car il y a de cela quelques jours, je
pense avoir rencontré une autre Déesse, qui ne peut qu'illuminer
notre Monde. Tandis que je volais à tire d'aile accompagnée de
certains de mes disciples au cœur des Montagnes Ternes, cela, dans
le but d'enquêter sur une sombre affaire concernant des utilisateurs
de magie noire ; j'ai fait la rencontre d'une bien curieuse
Humaine. D'apparence, elle n'était ni membre d'une espèce hybride,
ni même différente de la plus quelconque femme qui aurait pu vivre
sur cette Terre, cependant, elle était hémomancienne -une mage de
sang- et par la-même était sûrement la première personne qui me
parlait posséder un tel don. Alors que je l'interrogeais enfin au
sujet de sa présence en un lieu si avancé -Les Cimes du Monde-,
elle m'affirmait y sentir une présence maléfique, que quelque chose
de terrible l'avait amené à venir jusqu'ici. Cette femme, me
confiait avoir énormément voyagé et n'avoir jamais ressenti un tel
maléfice malgré son cheminement. Aussi jeunette et peu robuste
pouvait-elle me paraître, elle transportait sur son dos, un fardeau
sans pareil, et une gigantesque arme, dont il émanait la même chose
qu'elle : une puissance sans équivoque. Je pris alors la peine
de renvoyer mes suivants, assurée d'être en sécurité près
d'Elle. Ma randonnée aérienne se transformait en une marche
joyeuse, accompagnée de cette mithreïlidienne qui venait de me
révéler son nom : Teïnelyore.
Quand
bien même la quête vers laquelle nous partions allait être sordide
et dangereuse, cette dernière, plus que rassurée, inondait
l'atmosphère nous entourant de sa voix sans ride et de son humeur
joviale. Cependant, comme je le disais juste avant, l'engouement qui
nous anima tout le chemin durant, laissa rapidement sa place contre
une ambiance des plus macabres. L'ondée obscure que nous
poursuivions l'une et l'autre nous avait conduit à une académie
d'entraînement pour enfants et adolescents, dont les armoiries
noires et écarlates m'étaient inconnues. Nous fûmes sans délai,
menacées de mort et contraintes d'abandonner notre recherche, par
des gardes sur-expérimentés et sur-équipés. Bien que cette
crainte parvint à me faire renoncer, il n'en fut pas question pour
ladite Teïnelyore, qui, à une contre vingt, renversa le combat à
son avantage : transpercée, découpée, vidée de son sang,
entaillée de toute part, elle vainquit cet affrontement ; et
comme si de rien n'était -bien au contraire même- se hâtait afin
de parvenir à l'épicentre de la pénombre qui noircissait les pans
de cette montagne. Notre arrivée interrompit un lugubre rituel qui
avait lieu : deux silhouettes masquées, incantaient de bien
sombres sortilèges, cheminant pieds nus dans le sang d'une centaine
d'enfants, encore agonisants et convulsant sous les mots des sorciers
ou sorcières. Je n'eus pas le temps d'intervenir, que Teïnelyore,
était déjà partie à l'assaut de ces viles créatures. Surpris par
leur assaillante, les deux inconnus fuirent sans essayer de
combattre, dans un nuage d'ombre et de noirceur. Quand bien même
j'avais des capacités curatives hors-du-commun, l'état de ces
enfants était trop grave et ils étaient trop nombreux pour que je
puisse les soigner. C'est alors que l'impossible se produisit sous
mes yeux.
Teïnelyore,
pataugeant à son tour dans cette mare de sang, s'avança vers le
centre des blessés, et se perfora l'abdomen, laissant un épais
filet écarlate se mélanger aux flaques qui jonchaient la cour de
l'établissement. Elle planta sa lame dans les pavés, se concentra
longuement, et créa un vortex géant sanguinolent, d'abord de
couleur terne, il scintilla ensuite comme le plus brillant des rubis.
Le sang mélangé rejoignit chacun des êtres endoloris et
gémissants, en quelques instants, tous se levèrent, remis sur pied,
comme si rien n'était advenu. Teïnelyore, toujours au centre de cet
amas, appuyée sur son sabre, se redressait à son tour, dont le trou
au ventre cicatrisait à vue, acclamée par les hurlements de
remerciement de toutes ces âmes effrayées mais désormais sauvées.
C'était un miracle.
Ainsi,
sous mes yeux, je constatais l'avènement d'une nouvelle Déesse ;
je la nommais Déesse de l'Amour, et je prenais désormais conscience
de son réel don : celui de la vie éternelle.
En
ma qualité de Déesse de la Sagesse, je reconnais Teïnelyore comme
mon égale, voire même rationnellement, comme un être qui m'est
nettement supérieur.
Cette jeune femme, pleine de vie et d'énergie positive m'a susurré son envie de créer un lieu de refuge, pour tous les opprimés et blessés de Mithreïlid. Je lui ai, sans douté un seul instant de sa bonne volonté, offert mon soutien inconditionnel, et vous invite, par la présente à en faire de même, et de la rencontrer.
Cette jeune femme, pleine de vie et d'énergie positive m'a susurré son envie de créer un lieu de refuge, pour tous les opprimés et blessés de Mithreïlid. Je lui ai, sans douté un seul instant de sa bonne volonté, offert mon soutien inconditionnel, et vous invite, par la présente à en faire de même, et de la rencontrer.
Mes
scribes recopieront et enverront cette missive à tous les habitants
de Mithreïlid. Soyez certains que je m'engage personnellement, ainsi
que j'engage tout mon peuple au bon déroulement de la fondation de
sa cité : Ilyohelm.
Amicalement
vôtre.
Hul Déesse de la Sagesse, et Souveraine des Hulotes. »
Hul Déesse de la Sagesse, et Souveraine des Hulotes. »
Incroyable
me dis-je. Cette lettre et ces descriptions, plus aucun doute n'est
possible. Notre Gnas est belle et bien la Déesse qu'elle disait
être. J'avais juste du mal à comprendre qui avait été son
ennemie, ou plutôt, comment avait-elle été terrassée à l'époque.
Je laissais cette question de côté et continuais à explorer.
Quelques
pas plus loin, un document allait répondre à ma précédente
interrogation. Il s'agissait d'une déclaration de guerre, ou plutôt
d'une lettre de menace qui, à l'inverse de la missive rédigée par
Hul, dépeignant Teïnelyore comme une usurpatrice au statut de
Déesse, allant même jusqu'à nier son immortalité et sa quasi
invincibilité. L'auteur avançait être la seule capable à détenir
la vie éternelle, ses mots étaient clairs : si Teïnelyore ne
se rendait pas sans délai et n'offrait pas sa cité, la guerre
totale éclaterait au sein de Mithreïlid, quiconque défendrait
cette dernière, serait considéré comme un ennemi, et la sanction
serait immédiate. Ce torchon d'insanités était signé d'un nom qui
une fois de plus ne m'était pas inconnu... Hérylisandre.
Voilà
le fin de l'histoire. Quelle Déesse de la justice pourrait tenir un
tel discours ? Quelle divinité pourrait aller jusqu'à
massacrer tous les habitants afin de s'affirmer comme maître de ce
grand tout qu'était Mithreïlid. Certainement pas quelqu'un censé
représenter la Justice. Cependant, si toutes ces pièces appartenant
au passé de Gnas se retrouvaient dans la même pièce, c'est
sûrement qu'à l'époque, elle se doutait déjà qu'il allait lui
arriver quelque chose. Peut-être avait-elle eu besoin de laisser
derrière elle des souvenirs, afin de ne pas oublier qui était-elle,
comme si revoir tous ces éléments allait faire renaître sa
mémoire. Savait-elle qu'elle reviendrait ici instinctivement ?
Savait-elle qu'elle allait perdre cet ultime combat ? Je me
posais toutes ces questions, tandis que Gnas, elle, venait sûrement
de se perdre dans ses pensées, alors qu'elle se retrouvait face à
une tenue exhibée sur un portant, sur laquelle elle laissait courir
ses doigts. Je la rejoignais.
« Était-ce
ton ancienne tunique de combat ?
-Je
crois bien, oui. Elle
soulevait les pans ocres de tissu, pressait le textile, poussait un
soupir.
Je n'étais pas faite pour être reine je pense. Ce que je voulais,
c'était chasser la guerre définitivement de Mithreïlid.
Pourtant... Elle
jetait un coup d’œil rapide aux pupitres, mais sans s'en
approcher.
Pourtant je n'ai fait que créer la plus grande guerre et le plus
grand massacre que Mithreïlid ait connu. Des peuples se sont
éteints, alors que moi, je roupillais au fond d'un Temple...
-Tu
n'y es pour rien Gnas. Tu n'en es pas la responsable de ce carnage.
Venait de glisser Evi' en se plaçant derrière elle, et en
l'englobant de ses bras. Celles
qui sont à l'origine de tout ça, ce sont Hérylisandre et
Irasandre. Elle
semblait dédaigneuse. Si
toutes deux n'avaient pas été tant obsédées par leur soif
d'immortalité, personne n'aurait péri.
-Puis,
regarde ce que tu as fait Teï... Euh Gnas. Me
reprenais-je. Tu
as sauvé énormément de vies, tant durant ta première vie, que
maintenant. Même nous deux, alors que tu étais notre prisonnière,
tu nous as sortis d'un sacré pétrin. Alors certes... Parfois tu as
des coups de sang... Divins, voilà ! Mais ton fond est bon. Tu
ne peux pas en douter, autant que je n'en doute pas une seule
seconde.
-C'est
vrai ce qu'il dit. Sans toi, je serais morte sur un chemin au milieu
de nulle part, dans une forêt sous les coups d'un chat géant... Je
me serais perdue dans mes hallucinations si tu ne m'avais pas
retrouvée sur la plage. J'ai moi aussi toutes mes raisons de croire
que tu n'es pas un monstre. Puis même si c'était le cas... Evialg
relâchait son étreinte autour de Gnas, et amenait ses mains contre
sa propre poitrine.
Je ferais tout ce que je peux pour t'empêcher de devenir ce que tes
détracteurs voudraient que tu sois. Dès que je pense à toi, j'ai
le ventre qui chauffe et le cœur qui s'emballe. Gnas ou Teïnelyore,
qui que tu sois, je t'aime. Jamais je ne te laisserai te perdre.
-C'est
le moment où je ferme les yeux, c'est ça ? Gloussais-je.
-Tu
ferais mieux de fermer ton bec, le demi-oiseau. Venait
se retourner Gnas, enlaçant Evialg contre elle. Je
suis si contente que vous me souteniez, même si j'ai sûrement
voyagé avec d'autres personnes auparavant, je suis certaine que
personne ne pourrait rêver avoir meilleure compagnie que la votre.
Elle
lâchait d'un bras Evi' et m'empoignait fermement, jusqu'à ce que je
me retrouve entre les deux femmes. J'aurais
sûrement erré une éternité de plus, sans même avoir une chance
de savoir qui j'étais vraiment sans que nous nous rencontrions. En
quelque sorte, je vous dois mon présent et même mon passé. »
Elle
embrassait langoureusement Evialg. Tandis que moi, je me retrouvais
blotti dans cette intense chaleur, ma tête écrasée de part et
d'autre par les poitrines moelleuses des deux femmes. Comment
aurais-je pu un jour vivre ça, en continuant simplement de cueillir
des plantes et d'écrire dans mon carnet. Ou alors si ce n'est en
m'aventurant dans une maison close ? Et encore, rien n'aurait
été pareil, je n'aurais jamais ressenti ni même pu parler
d'authenticité. A force de chercher son chemin, on finit par se
chercher tout court, à se chercher une raison d'être, puis si cette
recherche perdure, on finit par se perdre, tout bêtement. Sauf que
déjà la première fois où je pataugeais dans les tripes de Gnas,
je sentais que j'avais trouvé ma voie. Je n'étais pas et je ne suis
toujours pas habile au combat, mais cela n'importe pas. Nous sommes
une équipe, et de notre hétéroclisme allait naître une nouvelle
ère. Je m'écartais de l'étreinte duveteuse.
« Bon,
ça va vous sembler bizarre, surtout venant de moi mais... Toutes
deux me scrutaient. Je crois qu'il y a une usurpatrice en ville, et
qu'elle a des comptes à rendre. Il est grand temps de lui faire
sauter quelques chicots. Vous en pensez quoi ? Je n'eus
premièrement comme réponse que deux rires espiègles mélangés.
-Ça,
c'est une sage parole ! Puis si tu nous en donnes
l'autorisation, cela va être grandiose. Ça va gicler dans les
chaumières ! Je vais leur montrer ce qu'il en coûte de voler
une cité entière. S'échauffait
Gnas.
-Et
comment ! Tu ne seras pas derrière nous entrain de te plaindre,
parce que ces derniers temps, à chaque fois que je lève mon arme,
j'ai l'impression de te sentir te plaindre dans mon dos. Mais là,
une bénédiction de cette envergure, on ne va pas s'en plaindre, pas
vrai Teïnelyore ? Riait
Evi'.
-Ohlala,
il va falloir que je m'y fasse à ça.
-Je
plaisantais. Roucoulait
Evialg.
Si tu ne veux pas que je t'appelle comme ça, je ne le ferais pas !
Mais quand même Teïnelyore... Ça fait bien plus noble que Gnas !
Bon allez, tu l'enfiles cette parure ?! Elle est tellement
belle...
Elle tendait sa main pour la toucher, mais recevait comme une
décharge.
Hé ! Ton vêtement m'agresse !
-Bah
alors Evi' ? J'ai vu Gnas la tripoter il n'y a pas deux
minutes. Tu as fait quelque chose en particulier ? J'allais
à mon tour poser mes doigts sur l’habit, mais ressentais moi aussi
une brûlure immédiate.
Bon, à croire que seule toi peut l'enfiler. Je partage cependant
l'avis d'Evi', mets-le, mets-le !
-Bon
d'accord. Mais vous vous retournez, enfin, juste toi Tne'. Parce que
toi tu peux regarder Evi'. »
Je
tournais le dos aux filles, un fracas provenait du sabre percutant le
sol, j'entendais les vêtements glisser puis la cuirasse cloutée
heurter les dalles, je constatais aux bruits spongieux venant de
derrière moi, que la séance d'habillage tournait aux bécotages ;
je me raclais la gorge et de ce fait déclenchait les rires des deux
tourterelles. Le bruissement du textile sillonnait l'air.
« Waouh !
Mais tu brilles ! Lâchait
Evialg, m'amenant à me retourner avec sursaut.
-Ah
bon ? Demandait
Gnas en étendant les bras et en tournant sur elle-même. Je
sais pas, j'vois rien.
-Non,
elle a raison, tu brilles. Et si tu attrapes Masamune ?
L'interrogeais-je.
-Je
vois toujours pas ce que ça changerait mais bon... »
Elle
empoignait son sabre, et l'éclat iridescent qui émanait d'elle,
s'amplifiait immédiatement. J'avais pourtant bien observé le
vêtement quand il était sur son valet : c'était certes, une
tunique de superbe facture, mais aucune lumière, aucun scintillement
n'en provenait. Je faisais soudainement le lien entre Masamune, qui
ne pouvait ni être soulevé ni brandi par qui que ce soit, et cette
tenue que nous n'avions pas pu même effleurer.
« En
fait, ton sabre et ton habit sont pareils...
-Bah
non... Mon sabre il est fait de métal et ma tenue de tissu... Tu es
bête parfois, hein.
-Mais
non. Je
me donnais une tape sur le front.
Tous les deux sont des artefacts, enfin, plus précisément, TES
artefacts.
-Ce
mot vous arrêtez pas de le dire, je ne sais même pas ce qu'il veut
dire. Maugréait-elle.
-Hmmmm.
Je dirais que ce sont des reliques. Evialg
constatait que ce terme n'avait pas l'air plus compréhensible par
Gnas.
Ce sont des objets enchantés, dans ton cas, ils sont liés à toi.
Susurrait
Evialg. Durant
ta première vie, tu as dû les gorger de ton essence et de ta magie,
du coup maintenant, seule toi peut porter cette magnifique tunique,
il faut dire ce qu'il en est... et pour ton arme, la seule à la
manier.
-Ah...
C'est bien plus clair comme ça. Parce que... Arta... Fare.. Enfin le
truc là, c'était pas simple à deviner que ça voulait dire objet
magique.
-Je
te jure... Divinité peut-être, mais instruite c'est autre chose,
hein. Pouffais-je.
-Oh
toi... Si je te supportais pas un peu, je t'aurais fait goûter à
mon crâne divin, hein. Bon, ce n'est pas tout ça. Mais Mithreïlid
est en guerre et Irasandre doit toujours être entrain de glousser en
haut de MA tour. Allons lui montrer ce qu'on a dans le ventre ! »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire