jeudi 25 septembre 2014

Chapitre XXXVI : La reconquête de Teysandrul, Partie 3


En quelques heures de marche, nous avions finalement atteint, guidés par Evialg, les sombres et imposants remparts de Teysandrul. Durant notre avancée, la nue s'était tâchée d'épais nuages obscurs et mauves ; et quelque chose de malsain s'en dégageait, de ce ciel à la couleur bien anormale. Comme si la lumière magenta au-dessus de nos têtes provenait d'une magie occulte, je ne m'imaginais pas vivre un cycle sous cette nappe ténébreuse. Evialg nous avait fait éviter les routes, jonchées de soldats sur le qui-vive, très animées par le défilé permanent de patrouilles, nous nous retrouvions face à une large brèche qui brisait en deux les murailles. Nous nous engouffrions par le passage, et arrivions dans une ruelle peu illuminée et vide de toute âme, qui semblait desservir une avenue bien plus large, cette dernière grouillant d'habitants. Les filles avaient pour plan de voler des uniformes à des gardes. Gnas passait devant et nous demandait d'attendre embusqués. Elle revenait rapidement escortée par deux hommes vêtus de tenues noires et écarlates, les mêmes que celles que revêtaient les troupes que nous avions affronté en quittant la forêt. A peine les deux avaient-ils fait un pas dans la pénombre, que mes camarades les assommaient, les dépouillant rapidement de leurs armures et de leurs armes, s'en équipant tout aussi promptement. Je les regardais curieux de savoir quelle était la suite du programme, sans même se concerter, elles me désignaient comme étant leur prisonnier ; je me doutais un peu de ça, après tout, aucun des accoutrements n'aurait été à ma taille. De lourdes menottes en fer qui pendaient aux ceintures dérobées, se retrouvaient autour de mes poignets, je tirais une mine de six pieds de long : c'était la première fois que je retrouvais contraint de la sorte, cependant, leur plan me semblait sensé... Pour une fois.

Nous rejoignions sereinement l'artère pleine de vie, Gnas et Evi' marchant devant moi, nous avancions de seulement quelques pas, jusqu'à ce que Gnas s'arrête subitement.

« Qu'est-ce-qui se passe ? Demandait Evi'.
-Je connais ce coin. Elle regardait à droite et à gauche. Normalement, les murs sont blancs, mais je crois que c'est à cause du ciel que ce détail est différent.
-Tu connais ? Mais tu es déjà venue ici ? Continuais-je. Je croyais que seule Evialg avait déjà foulé ces dalles.
-J'en ai l'impression, ce sont comme des souvenirs un peu flous. Si nous avançons jusqu'au prochain croisement, je suis certaine que la rue suivante sera remplie de tavernes, et que le pavage nous amènera vers un centre de commandement militaire. Soufflait-elle. On essaye ?
-Soit nous essayons cela, soit nous allons directement à la tour centrale.
-Suivons les indications de Gnas, peut-être découvrirons-nous autre chose.
-Alors, allons-y. Gnas donnait le rythme, nous suivions ses pas et finalement débouchions sur une allée bruyante, bardée de bars et auberges en tous genres. Bon, alors si je me souvenais de ça, je me rappelle aussi que quelques pâtés de maisons et rues après la bâtisse militaire, il y a un entrepôt de la milice.
-Woh... Ce ne sont pas que des réminiscences floues pour le coup. Comment tu peux avoir une mémoire si précise ? L'interrogeais-je.
-Parce que c'est moi qui l'ais bâtie cette ville. Elle finissait sa phrase et relançait la marche, tandis qu'avec Evialg nous nous lancions un regard plein de surprise, puis emboîtions son pas. »

Après avoir croisé plusieurs patrouilles, dont nous n'attirions même pas l'attention, après avoir tourné à droite puis à gauche, après avoir eu l'impression que nous étions entrain de nous perdre, tant ces rues et avenues se ressemblaient toutes les unes plus que les autres, nous atteignions finalement le lieu décrit par Gnas. L'immense local de stockage était accolé à une large place ronde, en son centre une fontaine luisait de l'éclat mauve du ciel, des lampadaires illuminaient de faisceaux pourpres les habitations attenantes à ladite place, le pavage concentrique était bien plus régulier et lisse que celui que nous foulions depuis notre arrivée en ville. Pour la première fois depuis que nous avions pénétré dans la cité, j'étais émerveillé par l'organisation des blocs urbains qui nous entouraient. Gnas se faufilait rapidement vers les portes gigantesques, qui bien entendu étaient gardées, elle nous faisait signe de la rejoindre. Evialg avançait et je la suivais, jouant au mieux mon rôle de prisonnier, baissant la tête et traînant des pieds.

« Cet homme a dérobé un ouvrage qui était stocké ici.
Elle me désignait du regard. Nous devons l'y escorter afin qu'il le remette là où il l'a trouvé.
-Avec sa taille, pas étonnant qu'on ne l'ait pas vu chaparder. Riait grassement le garde à qui Gnas s'était adressée. Allez-y, mais ne traînez pas. Terminait-il, en soulevant à l'aide de l'autre homme en poste, la lourde barre en bois qui bloquait la porte. Et toi le nabot, garde-toi bien de recommencer, sinon tu auras droit à pire que les geôles.
-Oui, monsieur.
Me contentais-je de dire, tout en baissant davantage la tête.
-Quand vous aurez terminé, frappé à la porte, on vous ouvrira.
-Compris. Acquiesçait Gnas tout en franchissant la porte.
-Et toi, la mignonne ? Le soldat parlait désormais à Evi'. Tu voudras aller boire une chope après ton service ?
-Même pas en rêve. Le coupait-elle sèchement, tout en me poussant pour que j'avance, suivant ainsi Gnas à l'intérieur. »

L'entrée se refermait avec fracas derrière nous, tandis que devant, un dépotoir géant s'offrait à notre vue. Des armes, des vivres, des tenues, des babioles, il y avait absolument de tout qui traînait au sol. Sans aucun rangement, tout avait été jeté n'importe comment, dessinant des monticules d'objet en tous genres, dans tous les sens. Cette première pièce était éclairée par des braseros crépitants, répartis sur tous les murs, une encavure dans le fond semblait donner accès à un autre espace. Gnas s'y engouffrait, sans un mot, nous la précédions. Cette fois-ci, c'étaient des étagères remplies de livres qui remplissaient le local. Il y en avait à perte de vue. J'étais ébahi, d'un simple coup d’œil, la tranche de certains grimoires m'interpellaient immédiatement. Alors que nous venions à peine de mettre un pied dans ce labyrinthe de culture. Je n'en revenais pas.

« La bibliothèque d'Ilyohelm était à l'époque, la plus garnie de tout Mithreïlid, plusieurs siècles d'histoire sont accumulés ici. Des gens venaient de toute part pour étudier ici. Cependant... J'étais sûre que ces idiots en feraient un espace de stockage. Quand je pense que plus personne n'a accès à ces ouvrages, quel gâchis.
-Mais tous ces livres... Commençais-je.
-C'est moi qui les ai tous ramenés et conservés ici. Il y a plus de cinq siècles. Ce sont les fruits de tous mes voyages. Me coupait Gnas.
-Non mais, tu étais vraiment sérieuse quand tu disais que c'était ta ville ? L'interrogeait Evi'.
-Bien sûr, et vous n'êtes pas au bout de vos surprises, je pense. Il y a une autre pièce dissimulée au fond. Je suis certaine que nous allons trouver des pépites.
-Des pépites d'or ? Demandais-je naïf.
-Mais non... C'était au sens figuré. Allez suivez-moi. »

Nous poursuivions donc notre cheminement à travers l'immense bibliothèque jusqu'à arriver nez-à-nez avec une étagère plus haute et plus imposante que les autres. Gnas demanda à Evialg un coup de main et toutes deux déplacèrent l'imposant présentoir, entraînant la chute d'un paquet de bouquins. Derrière le rayon, prenait place une épaisse porte, bien plus solide à en juger par son armature en métal que celle qui bloquait l'entrée au bâtiment. D'un coup rapide, Gnas en faisait sauter sa serrure, le choc provoquait l'ouverture du robuste portail. Comme elle l'avait prédit juste avant, Evialg et moi croulions sous la surprise. En premier plan, à quelques mètres devant nous, une statue trônait... Une statue de Gnas ! Même les tableaux qui étaient accrochés aux murs de l'antichambre secrète... Que des portraits de Gnas ! J'étais époustouflé, tandis qu'Evi' prenait la peine, d'une pression de ses doigts, de faire sauter les menottes. Je m'empressais de courir dans cette pièce remplie de trésors, bustes sculptés, peintures, tableaux, effigies, ouvrages, dont le sujet de tous ces derniers était identique : Gnas. Ou plutôt, Teïnelyore, nom qui ne m'était pas inconnu, car Noctalya m'en avait parlé lors de son énumération des « Dieux » de Mithreïlid. Mais aucun doute possible, c'était elle, notre Gnas, en pierre et en toile. Tous ses titres étaient mis en avant : Teïnelyore Déesse de l'Amour, Teïnelyore Fondatrice d'Ilyohelm, Teïnelyore Reine d'Ilyohelm et des Royaumes du Sud, Teïnelyore la Sainte, Teïnelyore sauveuse des Exsangues, Teïnelyore protectrice du peuple... Et j'en passe ! Dans un nouveau dressoir qui me parvenait aux yeux, multiple tenues d'apparat soigneusement pliées, parchemins et livres y étaient rangés. Un peu plus loin, une rangée de pupitres siégeait. J'y découvrais un plan daté de la cité, signé par les architectes d'une part et d'autre part de la main de la Reine, encore une fois, Teïnelyore, ainsi que la ratification d'Hul, Déesse et fondatrice de mon peuple. J'étais sous le choc et passais au présentoir suivant. 
Une lettre adressée aux différents peuples et royaumes que devaient compter Mithreïlid. La typologie de l'écriture me donnait envie de la lire à haute voix.

« Chers vous tous, Peuples et Rois, Dieux et Habitants de Mithreïlid.
Je prends la peine d'écrire cette missive, et de la rédiger à l'attention de tous ; car il y a de cela quelques jours, je pense avoir rencontré une autre Déesse, qui ne peut qu'illuminer notre Monde. Tandis que je volais à tire d'aile accompagnée de certains de mes disciples au cœur des Montagnes Ternes, cela, dans le but d'enquêter sur une sombre affaire concernant des utilisateurs de magie noire ; j'ai fait la rencontre d'une bien curieuse Humaine. D'apparence, elle n'était ni membre d'une espèce hybride, ni même différente de la plus quelconque femme qui aurait pu vivre sur cette Terre, cependant, elle était hémomancienne -une mage de sang- et par la-même était sûrement la première personne qui me parlait posséder un tel don. Alors que je l'interrogeais enfin au sujet de sa présence en un lieu si avancé -Les Cimes du Monde-, elle m'affirmait y sentir une présence maléfique, que quelque chose de terrible l'avait amené à venir jusqu'ici. Cette femme, me confiait avoir énormément voyagé et n'avoir jamais ressenti un tel maléfice malgré son cheminement. Aussi jeunette et peu robuste pouvait-elle me paraître, elle transportait sur son dos, un fardeau sans pareil, et une gigantesque arme, dont il émanait la même chose qu'elle : une puissance sans équivoque. Je pris alors la peine de renvoyer mes suivants, assurée d'être en sécurité près d'Elle. Ma randonnée aérienne se transformait en une marche joyeuse, accompagnée de cette mithreïlidienne qui venait de me révéler son nom : Teïnelyore.
Quand bien même la quête vers laquelle nous partions allait être sordide et dangereuse, cette dernière, plus que rassurée, inondait l'atmosphère nous entourant de sa voix sans ride et de son humeur joviale. Cependant, comme je le disais juste avant, l'engouement qui nous anima tout le chemin durant, laissa rapidement sa place contre une ambiance des plus macabres. L'ondée obscure que nous poursuivions l'une et l'autre nous avait conduit à une académie d'entraînement pour enfants et adolescents, dont les armoiries noires et écarlates m'étaient inconnues. Nous fûmes sans délai, menacées de mort et contraintes d'abandonner notre recherche, par des gardes sur-expérimentés et sur-équipés. Bien que cette crainte parvint à me faire renoncer, il n'en fut pas question pour ladite Teïnelyore, qui, à une contre vingt, renversa le combat à son avantage : transpercée, découpée, vidée de son sang, entaillée de toute part, elle vainquit cet affrontement ; et comme si de rien n'était -bien au contraire même- se hâtait afin de parvenir à l'épicentre de la pénombre qui noircissait les pans de cette montagne. Notre arrivée interrompit un lugubre rituel qui avait lieu : deux silhouettes masquées, incantaient de bien sombres sortilèges, cheminant pieds nus dans le sang d'une centaine d'enfants, encore agonisants et convulsant sous les mots des sorciers ou sorcières. Je n'eus pas le temps d'intervenir, que Teïnelyore, était déjà partie à l'assaut de ces viles créatures. Surpris par leur assaillante, les deux inconnus fuirent sans essayer de combattre, dans un nuage d'ombre et de noirceur. Quand bien même j'avais des capacités curatives hors-du-commun, l'état de ces enfants était trop grave et ils étaient trop nombreux pour que je puisse les soigner. C'est alors que l'impossible se produisit sous mes yeux.
Teïnelyore, pataugeant à son tour dans cette mare de sang, s'avança vers le centre des blessés, et se perfora l'abdomen, laissant un épais filet écarlate se mélanger aux flaques qui jonchaient la cour de l'établissement. Elle planta sa lame dans les pavés, se concentra longuement, et créa un vortex géant sanguinolent, d'abord de couleur terne, il scintilla ensuite comme le plus brillant des rubis. Le sang mélangé rejoignit chacun des êtres endoloris et gémissants, en quelques instants, tous se levèrent, remis sur pied, comme si rien n'était advenu. Teïnelyore, toujours au centre de cet amas, appuyée sur son sabre, se redressait à son tour, dont le trou au ventre cicatrisait à vue, acclamée par les hurlements de remerciement de toutes ces âmes effrayées mais désormais sauvées. C'était un miracle.
Ainsi, sous mes yeux, je constatais l'avènement d'une nouvelle Déesse ; je la nommais Déesse de l'Amour, et je prenais désormais conscience de son réel don : celui de la vie éternelle.

En ma qualité de Déesse de la Sagesse, je reconnais Teïnelyore comme mon égale, voire même rationnellement, comme un être qui m'est nettement supérieur.
Cette jeune femme, pleine de vie et d'énergie positive m'a susurré son envie de créer un lieu de refuge, pour tous les opprimés et blessés de Mithreïlid. Je lui ai, sans douté un seul instant de sa bonne volonté, offert mon soutien inconditionnel, et vous invite, par la présente à en faire de même, et de la rencontrer.

Mes scribes recopieront et enverront cette missive à tous les habitants de Mithreïlid. Soyez certains que je m'engage personnellement, ainsi que j'engage tout mon peuple au bon déroulement de la fondation de sa cité : Ilyohelm.

Amicalement vôtre.
Hul Déesse de la Sagesse, et Souveraine des Hulotes. »

Incroyable me dis-je. Cette lettre et ces descriptions, plus aucun doute n'est possible. Notre Gnas est belle et bien la Déesse qu'elle disait être. J'avais juste du mal à comprendre qui avait été son ennemie, ou plutôt, comment avait-elle été terrassée à l'époque. Je laissais cette question de côté et continuais à explorer.
Quelques pas plus loin, un document allait répondre à ma précédente interrogation. Il s'agissait d'une déclaration de guerre, ou plutôt d'une lettre de menace qui, à l'inverse de la missive rédigée par Hul, dépeignant Teïnelyore comme une usurpatrice au statut de Déesse, allant même jusqu'à nier son immortalité et sa quasi invincibilité. L'auteur avançait être la seule capable à détenir la vie éternelle, ses mots étaient clairs : si Teïnelyore ne se rendait pas sans délai et n'offrait pas sa cité, la guerre totale éclaterait au sein de Mithreïlid, quiconque défendrait cette dernière, serait considéré comme un ennemi, et la sanction serait immédiate. Ce torchon d'insanités était signé d'un nom qui une fois de plus ne m'était pas inconnu... Hérylisandre.

Voilà le fin de l'histoire. Quelle Déesse de la justice pourrait tenir un tel discours ? Quelle divinité pourrait aller jusqu'à massacrer tous les habitants afin de s'affirmer comme maître de ce grand tout qu'était Mithreïlid. Certainement pas quelqu'un censé représenter la Justice. Cependant, si toutes ces pièces appartenant au passé de Gnas se retrouvaient dans la même pièce, c'est sûrement qu'à l'époque, elle se doutait déjà qu'il allait lui arriver quelque chose. Peut-être avait-elle eu besoin de laisser derrière elle des souvenirs, afin de ne pas oublier qui était-elle, comme si revoir tous ces éléments allait faire renaître sa mémoire. Savait-elle qu'elle reviendrait ici instinctivement ? Savait-elle qu'elle allait perdre cet ultime combat ? Je me posais toutes ces questions, tandis que Gnas, elle, venait sûrement de se perdre dans ses pensées, alors qu'elle se retrouvait face à une tenue exhibée sur un portant, sur laquelle elle laissait courir ses doigts. Je la rejoignais.

« Était-ce ton ancienne tunique de combat ?
-Je crois bien, oui. Elle soulevait les pans ocres de tissu, pressait le textile, poussait un soupir. Je n'étais pas faite pour être reine je pense. Ce que je voulais, c'était chasser la guerre définitivement de Mithreïlid. Pourtant... Elle jetait un coup d’œil rapide aux pupitres, mais sans s'en approcher. Pourtant je n'ai fait que créer la plus grande guerre et le plus grand massacre que Mithreïlid ait connu. Des peuples se sont éteints, alors que moi, je roupillais au fond d'un Temple...
-Tu n'y es pour rien Gnas. Tu n'en es pas la responsable de ce carnage. Venait de glisser Evi' en se plaçant derrière elle, et en l'englobant de ses bras. Celles qui sont à l'origine de tout ça, ce sont Hérylisandre et Irasandre. Elle semblait dédaigneuse. Si toutes deux n'avaient pas été tant obsédées par leur soif d'immortalité, personne n'aurait péri.
-Puis, regarde ce que tu as fait Teï... Euh Gnas. Me reprenais-je. Tu as sauvé énormément de vies, tant durant ta première vie, que maintenant. Même nous deux, alors que tu étais notre prisonnière, tu nous as sortis d'un sacré pétrin. Alors certes... Parfois tu as des coups de sang... Divins, voilà ! Mais ton fond est bon. Tu ne peux pas en douter, autant que je n'en doute pas une seule seconde.
-C'est vrai ce qu'il dit. Sans toi, je serais morte sur un chemin au milieu de nulle part, dans une forêt sous les coups d'un chat géant... Je me serais perdue dans mes hallucinations si tu ne m'avais pas retrouvée sur la plage. J'ai moi aussi toutes mes raisons de croire que tu n'es pas un monstre. Puis même si c'était le cas... Evialg relâchait son étreinte autour de Gnas, et amenait ses mains contre sa propre poitrine. Je ferais tout ce que je peux pour t'empêcher de devenir ce que tes détracteurs voudraient que tu sois. Dès que je pense à toi, j'ai le ventre qui chauffe et le cœur qui s'emballe. Gnas ou Teïnelyore, qui que tu sois, je t'aime. Jamais je ne te laisserai te perdre.
-C'est le moment où je ferme les yeux, c'est ça ? Gloussais-je.
-Tu ferais mieux de fermer ton bec, le demi-oiseau. Venait se retourner Gnas, enlaçant Evialg contre elle. Je suis si contente que vous me souteniez, même si j'ai sûrement voyagé avec d'autres personnes auparavant, je suis certaine que personne ne pourrait rêver avoir meilleure compagnie que la votre. Elle lâchait d'un bras Evi' et m'empoignait fermement, jusqu'à ce que je me retrouve entre les deux femmes. J'aurais sûrement erré une éternité de plus, sans même avoir une chance de savoir qui j'étais vraiment sans que nous nous rencontrions. En quelque sorte, je vous dois mon présent et même mon passé. »

Elle embrassait langoureusement Evialg. Tandis que moi, je me retrouvais blotti dans cette intense chaleur, ma tête écrasée de part et d'autre par les poitrines moelleuses des deux femmes. Comment aurais-je pu un jour vivre ça, en continuant simplement de cueillir des plantes et d'écrire dans mon carnet. Ou alors si ce n'est en m'aventurant dans une maison close ? Et encore, rien n'aurait été pareil, je n'aurais jamais ressenti ni même pu parler d'authenticité. A force de chercher son chemin, on finit par se chercher tout court, à se chercher une raison d'être, puis si cette recherche perdure, on finit par se perdre, tout bêtement. Sauf que déjà la première fois où je pataugeais dans les tripes de Gnas, je sentais que j'avais trouvé ma voie. Je n'étais pas et je ne suis toujours pas habile au combat, mais cela n'importe pas. Nous sommes une équipe, et de notre hétéroclisme allait naître une nouvelle ère. Je m'écartais de l'étreinte duveteuse.

« Bon, ça va vous sembler bizarre, surtout venant de moi mais... Toutes deux me scrutaient. Je crois qu'il y a une usurpatrice en ville, et qu'elle a des comptes à rendre. Il est grand temps de lui faire sauter quelques chicots. Vous en pensez quoi ? Je n'eus premièrement comme réponse que deux rires espiègles mélangés.
-Ça, c'est une sage parole ! Puis si tu nous en donnes l'autorisation, cela va être grandiose. Ça va gicler dans les chaumières ! Je vais leur montrer ce qu'il en coûte de voler une cité entière. S'échauffait Gnas.
-Et comment ! Tu ne seras pas derrière nous entrain de te plaindre, parce que ces derniers temps, à chaque fois que je lève mon arme, j'ai l'impression de te sentir te plaindre dans mon dos. Mais là, une bénédiction de cette envergure, on ne va pas s'en plaindre, pas vrai Teïnelyore ? Riait Evi'.
-Ohlala, il va falloir que je m'y fasse à ça.
-Je plaisantais. Roucoulait Evialg. Si tu ne veux pas que je t'appelle comme ça, je ne le ferais pas ! Mais quand même Teïnelyore... Ça fait bien plus noble que Gnas ! Bon allez, tu l'enfiles cette parure ?! Elle est tellement belle... Elle tendait sa main pour la toucher, mais recevait comme une décharge. Hé ! Ton vêtement m'agresse !
-Bah alors Evi' ? J'ai vu Gnas la tripoter il n'y a pas deux minutes. Tu as fait quelque chose en particulier ? J'allais à mon tour poser mes doigts sur l’habit, mais ressentais moi aussi une brûlure immédiate. Bon, à croire que seule toi peut l'enfiler. Je partage cependant l'avis d'Evi', mets-le, mets-le !
-Bon d'accord. Mais vous vous retournez, enfin, juste toi Tne'. Parce que toi tu peux regarder Evi'. »

Je tournais le dos aux filles, un fracas provenait du sabre percutant le sol, j'entendais les vêtements glisser puis la cuirasse cloutée heurter les dalles, je constatais aux bruits spongieux venant de derrière moi, que la séance d'habillage tournait aux bécotages ; je me raclais la gorge et de ce fait déclenchait les rires des deux tourterelles. Le bruissement du textile sillonnait l'air.

« Waouh ! Mais tu brilles ! Lâchait Evialg, m'amenant à me retourner avec sursaut.
-Ah bon ? Demandait Gnas en étendant les bras et en tournant sur elle-même. Je sais pas, j'vois rien.
-Non, elle a raison, tu brilles. Et si tu attrapes Masamune ? L'interrogeais-je.
-Je vois toujours pas ce que ça changerait mais bon... »

Elle empoignait son sabre, et l'éclat iridescent qui émanait d'elle, s'amplifiait immédiatement. J'avais pourtant bien observé le vêtement quand il était sur son valet : c'était certes, une tunique de superbe facture, mais aucune lumière, aucun scintillement n'en provenait. Je faisais soudainement le lien entre Masamune, qui ne pouvait ni être soulevé ni brandi par qui que ce soit, et cette tenue que nous n'avions pas pu même effleurer.

« En fait, ton sabre et ton habit sont pareils...
-Bah non... Mon sabre il est fait de métal et ma tenue de tissu... Tu es bête parfois, hein.
-Mais non. Je me donnais une tape sur le front. Tous les deux sont des artefacts, enfin, plus précisément, TES artefacts.
-Ce mot vous arrêtez pas de le dire, je ne sais même pas ce qu'il veut dire. Maugréait-elle.
-Hmmmm. Je dirais que ce sont des reliques. Evialg constatait que ce terme n'avait pas l'air plus compréhensible par Gnas. Ce sont des objets enchantés, dans ton cas, ils sont liés à toi. Susurrait Evialg. Durant ta première vie, tu as dû les gorger de ton essence et de ta magie, du coup maintenant, seule toi peut porter cette magnifique tunique, il faut dire ce qu'il en est... et pour ton arme, la seule à la manier.
-Ah... C'est bien plus clair comme ça. Parce que... Arta... Fare.. Enfin le truc là, c'était pas simple à deviner que ça voulait dire objet magique.
-Je te jure... Divinité peut-être, mais instruite c'est autre chose, hein. Pouffais-je.
-Oh toi... Si je te supportais pas un peu, je t'aurais fait goûter à mon crâne divin, hein. Bon, ce n'est pas tout ça. Mais Mithreïlid est en guerre et Irasandre doit toujours être entrain de glousser en haut de MA tour. Allons lui montrer ce qu'on a dans le ventre ! »

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