dimanche 26 octobre 2014

Chapitre VI : Une mare de sang




Je fus éprise d'une drôle de sensation à cette vue.

 Je me penchais maladroitement au-dessus d'elle et je plaçais ma bouche sous sa poitrine. Puis, lentement, je commençais la ponction du corps étranger. Son sang affluait trop, son cœur avait peut-être été endommagé. Gna' se mouvait de douleur à chaque fois que j'exerçais une pression en aspirant son sang, je sentais ma bouche s'en remplir, je recrachais machinalement. Cependant, juste avant d'enfin déloger la balle de son hôte je sursautais et avalais une gorgée de son sang.. Cela fut comme si quelqu'un venait de me raconter l'histoire de Gna, comme si elle-même venait de me chuchoter ses secrets à l'oreille. 
 Le liquide écarlate et brûlant, contenait à la fois ses souvenirs et ses sentiments. J'y voyais la souffrance, je ressentais ce qu'elle avait enduré, je ressentais l'extase qui sillonnait son corps durant ses combats...Son sang matérialisait en mon esprit ce qu'elle n'exprimait pas, et qu'elle ne dirait sûrement jamais.

Je quittais mes songes et sentais quelque chose heurter mes dents. La deuxième balle de plomb. Je venais enfin de l'extraire de son corps, la saisissais avec mes doigts et la jetais dans la flaque de sang, que j'avais crachat après crachat constituée.
"Tne' tu es de nouveau là ?
- Splendide... Me répondit il.
- Pardon !? Tu n'as que ça à me dire, à ce moment la ?! Fais quelque chose ! Lui criais-je.
- Ton dévouement buccal était tout simplement érotique.... héroïque, que dis-je. Mais tiens, il farfouilla dans son petit sac et en sortit une petite fiole c'est une potion que j'ai confectionné moi même. Son but principal est d’accélérer toute guérison et toute cicatrisation. Cependant je ne sais pas encore si il y a des effets secondaires... Personne ne l'a jamais encore goûtée..
- Passe-la moi. Nous ne pouvons qu'essayer."


Tout en me penchant au-dessus de Gna', j'ôtais le bouchon en liège de la petite fiole et approchais le goulot de ses lèvres, closes. Je lui ouvrais la bouche, chose qui bien entendu, allait provoquer une réaction naturelle. Une gerbe de sang fusa entre sa bouche et mon visage, le fameux crachat sanguinaire de Gna'. Ce qui normalement m'aurait faite hurler, m'a cette fois ci faite sourire. 

Je pouvais désormais lui verser le contenu de la fiole dans la bouche, la faisant tousser. Elle ne déglutissait pas, mais semblait après un laps de temps avoir ingéré la potion. 

 Une triste vue de Gna' s'offrait cependant à moi. Elle avait perdu son teint d'habitude si bronzé, ne respirait presque plus, son corps devait s'être vidé de tout son sang tant ses plaies étaient larges, et tant le sol sylvain avait viré à la couleur pourpre. Bien que la connaissant peu, je ne pouvais ignorer le fait qu'elle nous avait sauvé et que malgré sa singularité et son coté -parfois- insupportable, je descellais du bien en elle. Je ne pouvais plus oublier cet instant, où, j'avais été envahie par ses souvenirs, son histoire me rappelait la mienne, son chemin avait été parsemé de désespoir. 
 Je ne pouvais plus ignorer le fardeau qu'elle supportait au quotidien, la tristesse qui devait ronger son âme et son corps, jour après jour. Tout être vivant vit avec un but, avec une raison d'être, la sienne était-elle de souffrir ? Non, personne ne peut choisir cela. Je comprenais enfin que sa façon de vivre, n'avait peut-être pas grand chose de différent avec la mienne. Je n'étais pas assoiffée de sang, certes, mais tout comme elle, je marchais sans savoir où j'allais, remplissant mes journées comme je le pouvais, juste pour fuir l'ennui et ainsi éviter d'avoir à revivre ces réminiscences amères qui ont germé dans mon passé. 

Une larme coula le long de ma joue, tandis que j'étais penchée au-dessus de Gna'.
" Ça ne va pas Evi ? Me demanda Tne'.
- Sais-tu où vont te mener tes pas ? Ou, où voudrais tu qu'ils te mènent, si tu pouvais choisir ? Lui rétorquais-je.
- Et bien, en réalité je ne sais pas trop. Mon esprit peut se délecter de chaque plante et de chaque fleur que nous croisons tous les jours. Chaque seconde que je passe à tes côtés me permet d'enrichir mes connaissances. Sans avoir vraiment de but, je me laisse dériver en te suivant, en vous suivant.
- Tu estimes quand même que tu avances ?
- Même si nous marchions à reculons, je considérerai toujours que j'avance, jour après jour. 
- Soit... Maintenant que tu as repris tes esprits. Penses-tu pouvoir faire quelque chose d'autre pour la sauver ? J'ai peur qu'elle ne meurt.
-Son sort ne t'est, donc plus égal, n'est-ce pas ? Me lança-t-il d'un ton doux.
-Non, son sort ne m'est plus égal, elle doit vivre. A nos côtés. 
-Je ne peux malheureusement rien faire de plus. Nous devons nous contenter d'attendre désormais."

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