Je
fus éprise d'une drôle de sensation à cette vue.
Je
me penchais maladroitement au-dessus d'elle et je plaçais ma bouche
sous sa poitrine. Puis, lentement, je commençais la ponction du
corps étranger. Son sang affluait trop, son cœur avait peut-être
été endommagé. Gna' se mouvait de douleur à chaque fois que
j'exerçais une pression en aspirant son sang, je sentais ma bouche
s'en remplir, je recrachais machinalement. Cependant, juste avant
d'enfin déloger la balle de son hôte je sursautais et avalais une
gorgée de son sang.. Cela fut comme si quelqu'un venait de me
raconter l'histoire de Gna, comme si elle-même venait de me
chuchoter ses secrets à l'oreille.
Le
liquide écarlate et brûlant, contenait à la fois ses souvenirs et
ses sentiments. J'y voyais la souffrance, je ressentais ce qu'elle
avait enduré, je ressentais l'extase qui sillonnait son corps
durant ses combats...Son sang matérialisait en mon esprit ce
qu'elle n'exprimait pas, et qu'elle ne dirait sûrement jamais.
Je
quittais mes songes et sentais quelque chose heurter mes dents. La
deuxième balle de plomb. Je venais enfin de l'extraire de son corps,
la saisissais avec mes doigts et la jetais dans la flaque de sang,
que j'avais crachat après crachat constituée.
"Tne'
tu es de nouveau là ?
-
Splendide... Me répondit il.
-
Pardon !? Tu n'as que ça à me dire, à ce moment la ?! Fais quelque
chose ! Lui criais-je.
-
Ton dévouement buccal était tout simplement érotique.... héroïque,
que dis-je. Mais tiens, il farfouilla dans son petit sac et
en sortit une petite fiole c'est une potion que j'ai
confectionné moi même. Son but principal est d’accélérer
toute guérison et toute cicatrisation. Cependant je ne sais pas
encore si il y a des effets secondaires... Personne ne l'a
jamais encore goûtée..
-
Passe-la moi. Nous ne pouvons qu'essayer."
Tout
en me penchant au-dessus de Gna', j'ôtais le bouchon en liège de la
petite fiole et approchais le goulot de ses lèvres, closes. Je lui
ouvrais la bouche, chose qui bien entendu, allait provoquer une
réaction naturelle. Une gerbe de sang fusa entre sa bouche et mon
visage, le fameux crachat sanguinaire de Gna'. Ce qui normalement
m'aurait faite hurler, m'a cette fois ci faite sourire.
Je
pouvais désormais lui verser le contenu de la fiole dans la bouche,
la faisant tousser. Elle ne déglutissait pas, mais semblait
après un laps de temps avoir ingéré la potion.
Une
triste vue de Gna' s'offrait cependant à moi. Elle avait perdu son
teint d'habitude si bronzé, ne respirait presque plus, son corps
devait s'être vidé de tout son sang tant ses plaies étaient
larges, et tant le sol sylvain avait viré à la couleur pourpre.
Bien que la connaissant peu, je ne pouvais ignorer le fait qu'elle
nous avait sauvé et que malgré sa singularité et son coté
-parfois- insupportable, je descellais du bien en elle. Je ne pouvais
plus oublier cet instant, où, j'avais été envahie par ses
souvenirs, son histoire me rappelait la mienne, son chemin avait été
parsemé de désespoir.
Je
ne pouvais plus ignorer le fardeau qu'elle supportait au quotidien,
la tristesse qui devait ronger son âme et son corps, jour après
jour. Tout être vivant vit avec un but, avec une raison d'être, la
sienne était-elle de souffrir ? Non, personne ne peut choisir cela.
Je comprenais enfin que sa façon de vivre, n'avait peut-être pas
grand chose de différent avec la mienne. Je n'étais pas assoiffée
de sang, certes, mais tout comme elle, je marchais sans savoir où
j'allais, remplissant mes journées comme je le pouvais, juste pour
fuir l'ennui et ainsi éviter d'avoir à revivre ces réminiscences
amères qui ont germé dans mon passé.
Une
larme coula le long de ma joue, tandis que j'étais penchée
au-dessus de Gna'.
"
Ça ne va pas Evi ? Me demanda Tne'.
-
Sais-tu où vont te mener tes pas ? Ou, où voudrais tu qu'ils te
mènent, si tu pouvais choisir ? Lui rétorquais-je.
-
Et bien, en réalité je ne sais pas trop. Mon esprit peut se
délecter de chaque plante et de chaque fleur que nous croisons tous
les jours. Chaque seconde que je passe à tes côtés me permet
d'enrichir mes connaissances. Sans avoir vraiment de but, je me
laisse dériver en te suivant, en vous suivant.
-
Tu estimes quand même que tu avances ?
-
Même si nous marchions à reculons, je considérerai toujours que
j'avance, jour après jour.
-
Soit... Maintenant que tu as repris tes esprits. Penses-tu pouvoir
faire quelque chose d'autre pour la sauver ? J'ai peur qu'elle ne
meurt.
-Son
sort ne t'est, donc plus égal, n'est-ce pas ? Me lança-t-il
d'un ton doux.
-Non,
son sort ne m'est plus égal, elle doit vivre. A nos côtés.
-Je
ne peux malheureusement rien faire de plus. Nous devons
nous contenter d'attendre désormais."
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